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- 2013-07-13 (Création/Production)
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La Fête cantonale des jeunesses vaudoises s'ouvre à Colombier-sur-Morges. La manifestation attirera 120'000 personnes. Elle a lieu tous les cinq ans et réunit 204 sociétés. Les explications d'Olivier Bolomey, président de de la Fédération vaudoise des jeunesses campagnardes (FVJC), responsable presse de Colombier 2013, Diana Dreyfus, secrétaire de la Cantonale, en charge de la sécurité et du bénévolat, Christophe Gallaz, écrivain et chroniqueur et Benoît Gaillard, président du Parti socialiste lausannois.
Journaliste Julien Magnollay
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Et puis retour ici à Colombier-sur-Morges à la fête cantonale des Jeunesses-Campagnardes.
On a dû rentrer pour se mettre à l'abri parce qu'il y a un orage qui vient d'arriver, mais on risque pas grand chose parce que c'est des constructions en dur, il y a manifestement des charpentiers qui s'occupent de tout ça.
C'est assez incroyable Olivier Bollomé.
Dans notre association Colombier 2013, on a 90 personnes et donc on regroupe tous les corps de métiers qu'on a effectivement besoin ou qui existent.
On a de nombreux charpentiers, menuisiers, bûcherons, contre-maîtres aussi de la construction et toutes nos constructions, tous les plans ont déjà été validés par des ingénieurs et ensuite les constructions ont été visitées et validées par les organismes cantonaux compétents.
Très très grosse organisation, beaucoup de monde.
Il faut tout vérifier, vous m'avez dit, les organismes pour les incendies, la sécurité, etc.
On peut faire des carrières politiques une fois qu'on s'est occupé de tout ça dans les jeunesses ?
Alors je ne sais pas, c'est vrai que le nombre de personnes qui sont dans les sociétés de jeunesse ou qui sont dans les comités centrales ou comités de jeunesse s'implique après notamment peut-être dans le conseil communal, la municipalité, plus loin.
C'est vrai qu'à l'époque, c'était peut-être le cas, maintenant plus.
Mais je pense qu'on acquiert des compétences qui sont utiles dans la vie professionnelle ou la vie politique, c'est sûr.
Avec nous, Julien Magnolet, le chef de notre rubrique Vaudoise.
C'est vous qui incarnez le canton de Vaud, Julien Magnolet.
Expliquez-nous un tout petit peu ce qu'est cet endroit dans lequel on est en direct ce soir.
On va rappeler que c'est une immense fête, cette cantonale qui a lieu tous les cinq ans.
Il y a des gens qui viennent bien sûr faire la fête, mais aussi du sport.
Il y a le tir à la corde, le football ou encore la lutte.
Et à Colombier, plus de 5500 bénévoles ont travaillé à l'organisation de cette manifestation qui occupe 35 hectares.
En fait, la cantonale, c'est un peu la coupe du monde des jeunesses campagnères.
Parce que dans le canton de Vaud, les sociétés de jeunesse organisent en rendement chaque année 4 girons.
Des fêtes qui attirent elles aussi des milliers de personnes.
Mais tous les cinq ans, tous les girons sont remplacés par une seule et grosse basse trinque, la cantonale.
Mais Julien, d'où vient cette idée ?
Alors, l'existence même des jeunesses campagnères remonte au Moyen-Âge.
A l'origine, elles officiaient un peu comme une police des mœurs.
Elles fixaient les règles de conduite pour les adolescents jusqu'au mariage.
Ces sociétés sont ensuite regroupées au sortir de la première guerre mondiale sous la bannière de la Fédération des Jeunesses Campagnères.
Et l'objectif était alors de lutter contre le dépeuplement des campagnes.
Mais aussi, comme le disent clairement les fondateurs, de mettre en avant les valeurs paysannes et de lutter contre le bolchevis.
Bon, on est en 2013, le bolchevis n'est plus vraiment une menace.
En tout cas pas à court terme, on peut partir de ce principe-là.
Que font ces jeunesses maintenant ?
Du sport ?
Des activités culturelles ?
Oui, elles organisent plein d'activités qui varient en fonction des sociétés.
Tombourg, à Nouvelle-Ange, Gymkhana, Tracteur, Disco, Karaoké, la liste est longue.
Ça marche du feu de Dieu.
Jamais depuis sa création, la Fédération n'a connu autant de sociétés de jeunesse et autant de membres.
Il y a aujourd'hui plus de 8000 jeunes fédérés dans le canton.
Qu'est-ce qui anime l'esprit de cette fête avec les gens qui arrivent maintenant ?
C'est patriotique, c'est festif ?
C'est d'abord festif, mais aussi sportif.
Cet aspect est très important.
Des jeunes s'entraînent pendant des mois pour cette cantonale.
Quant à l'aspect patriotique, par le passé il était très très fort, mais aujourd'hui c'est beaucoup moins le cas.
Par contre les jeunes sont encore très attachés à leur société de jeunesse locale.
D'ailleurs chaque village vient avec une roulotte à son effigie dans le camping.
Il y a aussi un grand respect pour la fédération, la FED comme on dit ici.
Merci Julien.
Diana Dreyfus, on a entendu l'historique, la lutte contre les bolcheviks, mais est-ce qu'il n'y a pas quand même un petit aspect très conservateur de ces jeunesses campagnardes ?
Alors il y a clairement un aspect conservateur du fait que les valeurs sont quand même restées des valeurs campagnardes.
Maintenant je pense que ce qu'il est important de préciser c'est qu'on tient beaucoup, enfin du moins Olivier et moi, et puis on est la plupart des gens de la Fédération Ettenir, c'est que les jeunesses restent apolitiques et laïques et je pense que c'est aussi ce qui est une de nos forces et ce qui fait nos succès à l'heure actuelle.
Vous disiez tout à l'heure Christophe Gallat, le surmoi suisse, qui aime bien la campagne aussi pour ça.
C'est une sorte de syndrome, on ne veut pas grandir non plus, on ne veut pas devenir une grande ville, ce qu'on est au fond.
Non mais quand vous dites grand c'est déjà faux, moderne et grand c'est pas la même chose.
Je ne pense pas qu'il s'agit de rester nain ou de rester sous-développé du tout.
On pourrait aussi voir l'histoire des séquences comme un cycle, les inscrire dans un cycle, c'est-à-dire une séquence urbaine.
Et puis ensuite on retrouve des valeurs qui étaient celles de la paysannerie mais qui ne sont pas du tout pratiquées de la même manière.
Vous savez les festivals musicaux, Paléo par exemple.
On y va pour la musique bien entendu mais on y va aussi pour la vie sociale, pour les estampes, pour les tartines qui sont campagnardes.
Même le festival de Montreux, on y va pour des déambulations sur les quais qui sont beaucoup plus campagnardes qu'urbaines.
Et les jardins autour des villes, c'est aussi la même chose.
Et je pense qu'il y a quelque chose littéralement d'indéracinable là-dedans et qu'on n'a pas su greffer.
On peut faire le procès peut-être de la culture urbaine.
On n'a pas su transposer des mécanismes de lien entre les gens, des circulations affectives, affectueuses, voire qui respectent les générations âgées.
En ville, elles sont compostées, vous savez, comme elles sont compostées dans les EMS.
À la campagne, pas du tout.
Mais on est en train de le regretter.
En ville, il y a des structures presque parapaysannes qui se remettent avec les EMS, etc., d'entraide, de bénévolat.
C'est des choses qui sont des valeurs dites paysannes, mais qui dépassent bien le cadre de la bêche et de la charrue.
D'accord avec ça, Olivier Bollomè, philosophiquement, et un petit peu ce retour-là, on retrouve ces valeurs-là ?
Je ne sais pas si c'est un retour.
Je crois que ce sont des valeurs qui existent, qui perdurent.
Et puis c'est vrai que ce sont des valeurs qui sont transmises de génération en génération.
Ce qui fait la force de la fédération, c'est qu'on a toujours un lien entre les jeunes et les anciens, une transmission de connaissances, de compétences, de valeurs, mais qui sont à chaque fois remises au goût du jour, finalement.
La fédération s'est adaptée.
A la base, il y avait du tir à la corde, de l'athlétisme, aussi de la lutte.
Puis maintenant, on a du football, du volley.
Donc on suit l'évolution de la société, que ce soit dans nos activités ou dans nos valeurs et dans la gestion de la fédération.
Bono Gagnard, on s'est laissé dire que vous êtes allé deux ou trois fois dans des girons de jeunesse.
Qu'est-ce qui vous a attiré ?
La patrie, l'ambiance, le sport, le blanc ?
La découverte de quelque chose que je ne connaissais pas.
Le blanc, évidemment, jouait un rôle.
Vous connaissiez ça.
Je n'ai pas participé aux joutes sportives, puisqu'il faut être honnête jusqu'au bout, ici.
Maintenant, moi, ce que je pense intéressant, c'est qu'effectivement, j'aimerais pas qu'on dépeigne trop les espaces urbains comme des endroits déshumanisés, où on ne se parle plus, etc.
Je crois qu'au contraire, il existe quand même, même dans des villes comme Lausanne, qui à l'échelle de la Suisse sont plutôt grandes, à l'échelle internationale, ça se discute.
Il existe encore des...
Il existe peut-être de nouvelles choses, des esprits de quartier, etc.
Mais pour moi, les valeurs dont on a parlé tout à l'heure, sont peut-être pas si conservatrices que ça.
Elles sont pas forcément conservatrices dans le mauvais sens du terme, en tout cas.
Je pense qu'il peut y avoir une sorte de bon conservatisme si des valeurs de solidarité, de proximité, pour revenir au débat précédent, des valeurs qui disent que finalement on vit dans le même monde, on gagne à peu près la même chose, on habite tous à peu près dans les mêmes conditions, etc.
Si ça c'est des valeurs conservatrices paysannes, moi je peux adhérer à ces valeurs-là.
Et je pense que l'action notamment que j'essaye de mener, qu'on essaie de mener à gauche, elle consiste à dire qu'on doit pas laisser ça se déliter complètement en quelque chose de totalement stratifié, où les gens finalement vivent dans des réalités différentes.
Donc un peu de conservatisme sur ces valeurs de solidarité, de respect mutuel, et puis d'avoir des projets finalement relativement modestes qu'on mène en commun, là, volontiers, je me laisse tenter par le conservatisme.
Le socialiste Benoît Gaillard se laisse tenter.
Christophe Galat, vous voulez réagir ?
Il faudrait éviter de cliver notre propos, c'est-à-dire la campagne d'un côté.
Parce que par exemple, j'imagine que beaucoup de gens qui vont venir à la manifestation cette semaine vont au flanc le samedi soir et au dit.
Et c'est ça qui est intéressant, c'est ceux-là qui seraient intéressants d'écrire.
Parce que qu'est-ce qui m'empêchait là, qu'est-ce qui garde là, etc.
Et comment l'humus circule et se fabrique.
Diana Dreyfus, vous, vous travaillez à Lausanne, vous avez fait les jeunesses dans la campagne ici, vous êtes maintenant co-organisatrice.
Ce clivage, vous le voyez quand même ou pas ?
Alors moi je le vois quand même.
C'est clair que dans une fête comme la Cantana à la Colombie, qui a un impact quand même relativement grand au niveau vaudois, il y a des gens de la ville qui viennent découvrir ce qu'on vit ici, ça leur plaît.
Il n'y a pas de soucis, nous on accueille tout le monde.
D'ailleurs contrairement à des festivals comme Palais où le Montreux Jazz, l'accès il est complètement libre, donc tout le monde peut venir, on accueille tout le monde.
Maintenant je pense que le clivage, il existe quand même, en effet.
Vous vous sentez un peu, comment dire, pris en otage par l'urbanisation petit à petit, l'extension démographique, les campagnes changent aussi, parce qu'elles s'urbanisent, on appelle ça la rurbanité aujourd'hui.
D'un point de vue purement personnel, je ne me sens pas prise en otage.
Je sais que je connais beaucoup de gens qui ont se ressenti là, du point de vue des petits villages qui sont un petit peu, on va dire, envahis par des pendulaires, qui ne participent pas à la vie sociale du village, qui ne participent pas vraiment à vivre le village.
Avant, je parlais de Cité d'Ortoire, je reviens un petit peu sur cette polémique-là.
Et je sais que c'est quelque chose qui est observé et ressenti par beaucoup de gens.
Olivier Bollam, vous présidez la Fédération des Jeunesses Campagnards de Vaudoise, et quand on voit les chiffres, à Tiran, en 2003, c'était 70 000 personnes, à Bavoie, 120 000, cette année peut-être plus ici.
Comment expliquer une telle explosion dans la participation ?
Je pense que les activités qui sont proposées ici peuvent plaire à tout un chacun.
En plus, il y a une grande variété d'activités, que ce soit sportives ou festives.
Ça montre que ce que font les jeunesses, ça plaît à tout le monde.
Pas seulement aux membres des jeunesses, mais quand ça plaît à l'ensemble du canton, voire de plus loin.
Et ça, je pense que c'est important pour nous.
Ça montre qu'on a un certain succès auprès de la population générale.
On a 8200 membres à la Fédération, mais on attend 120 000 visiteurs.
Ça signifie que beaucoup de gens s'intéressent à ce qu'on fait.
C'est quelque chose de positif pour nous.
Pour rebondir sur ce que disait Diana Dreyfus, il y a peut-être quand même un clivage.
Si je vous ai bien compris, Diana Dreyfus, il y a pas mal de gens dans les campagnes qui se plaignent.
Les habitants qui utilisent un village comme une cité d'hortoir.
Là, Benoît Gaillard, vous êtes contredit.
Parce que manifestement, c'est quand même très différent, même si vous essayez de rétablir un lien social peut-être dans les villes.
Il y est moins, on le vit moins.
Je ne sais pas si c'est parce que les gens viennent des villes se mettre dans les villages, que par définition, par essence, ils sont moins sociables ou moins impliqués.
Je pense que c'est plutôt le problème actuellement de comment on gère le fait qu'on est de plus en plus mobile.
On change de lieu de domicile cinq, dix fois au cours d'une vie, alors qu'avant, ça se passait quand même beaucoup moins.
Et là, je crois qu'on doit inventer des nouvelles formes d'intégration.
Et je pense que démanteler, on le voit aujourd'hui, démanteler les structures qui existent au nom de prétendus conservatismes, que ça attiserait, etc., je pense que ce serait la mauvaise piste.
Et l'autre chose que je voulais ajouter, que je trouve très très importante, c'est aussi de dire qu'on vit dans une société, on a tendance à considérer que la seule chose qui peut encourager les gens à se lancer dans des projets, c'est le profit, le fait de dégager de l'argent, d'en gagner, et d'avoir eu des motivations uniquement commerciales.
Et bien, je constate que cette manifestation-là, comme d'autres, il y a des festivals en ville qui sont aussi organisés par des bénévoles.
Je ne veux pas défendre la ville, mais enfin, les choses se passent partout.
Mais je trouve très important de montrer qu'on peut avoir des projets qui, vous l'avez bien décrit tout à l'heure, sont titanesques.
Enfin, moi, je suis très impressionné par ce que je vois ici.
Il y a quelque chose comme ça, on l'a fait surgir de nulle part.
J'imagine qu'il n'y avait pas grand-chose ici avant, une espèce de cité festive et sportive.
Et bien, on ne le fait pas ni pour la notoriété.
Ça a été dit, le but n'est pas de lancer une carrière de député au Conseil d'État ou que sais-je.
On ne le fait pas pour l'argent.
On ne le fait pas pour dégager du profit.
Et ça, je crois que c'est un message qu'on doit aussi faire avancer.
C'est-à-dire qu'un certain conservatisme n'est pas forcément libéral, n'est pas forcément de droite.
Olivier Bollomès, c'est la jeunesse qui va bien.
On y revient.
Je pense, effectivement, que ça va bien.
Mais c'est vrai que pour revenir là-dessus, je pense que ce qui est important avec le monde associatif, à un moment, une force importante, c'est que, soit il est à FVJC ou d'autres associations, c'est qu'on peut rassembler du monde autour de projets.
Je crois que les gens ont finalement aussi besoin de se retrouver autour d'un projet, de créer quelque chose.
Et puis de voir qu'il y a du succès, que ça fonctionne bien.
Et les sociétés de jeunesse jouent vraiment un rôle important dans les villages.
Notamment, comme vous avez dit, il y en a peut-être des villages qui deviennent un petit peu plus urbains.
Mais c'est vrai qu'elles créent toujours ce lien entre les générations, entre les habitants du village.
Et ça, c'est très important.
Julien Magnolet.
Oui, je voulais juste souligner que l'importance de ces jeunesses.
On voit le village de Colombier, que je connais très bien pour l'avoir habité.
C'est un peu le régional de l'État.
Et qui accueille cette manifestation.
Moi, je l'ai connu il y a plus de 20 ans.
Il y avait encore plein de fermes.
Et maintenant, il n'y en a quasiment plus.
Ça a été remplacé par des appartements.
Le village va bien.
Mais les paysans ne sont plus là.
Et il y a plusieurs manifestations paysannes qui ont disparu.
Je me souviens, quand on était jeune, on sonnait les cloches.
Ça s'appelait les Beauvairons.
On récoltait de l'argent.
Ça, ça a disparu quand j'étais adolescent.
Et par contre, les jeunesses, c'est ça qui est assez incroyable, ont réussi à se maintenir.
Et je pense, leur grande force, notamment, c'est ces grands Raoult qui, vraiment, là, à Colombier, c'est une année de travail.
Et ça permet aux gens de se fédérer et d'y croire et de continuer à participer à ces jeunesses.
En fait, on veut retrouver un peu son enfance, Christophe Galal.
J'ai l'impression qu'on entend douce France ou douce Suisse en arrière-plan, non ?
Non, non, vous me questionnez pour me faire avouer le goût de l'arriération, disons, chronologique, mais pas du tout.
On ne retrouve pas l'enfance, on retrouve une manière d'être qui peut être parfaitement adulte.
Si on catapultait l'esprit qui me paraît régner ici en ville, ça serait très moderne aussi.
Ça pourrait être parfaitement branché.
On a tous des iPhones sur les tables.
Oui, on a dû les éteindre parce que ça gazillait.
C'est pour ça que la notion de conservatisme évoquée négativement par Benoît Gaillard est complètement fausse.
Ce n'est pas du tout de ça qu'il s'agit.
C'est peut-être au contraire un curieux laboratoire qui a l'air agreste sur copeaux de bois, mais où on pourrait puiser pour la ville des manières d'être ou d'échanger des choses.
C'est très intéressant.
Post-moderne aussi, Benoît Gaillard.
De façon un peu provocatrice, on pourrait dire que la cantonale de la ville dans le canton de Vaud, c'est le Festival de la Cité à Lausanne, qui est aussi quelque chose de gratuit, sans but lucratif, etc.
La cantonale de Montreux, si on veut, c'est le Montreux Jazz, où on peut moins se balader gratuitement qu'avant, mais on peut toujours un petit peu.
Et ça, je pense que c'est intéressant de s'en rappeler.
Je pense que les gens de la campagne viennent au Festival de la Cité, autant que les urbains viennent se dégourdir un peu les jambes à la cantonale.
Diana Dreyfus.
Je pense qu'il y a une différence qu'il faut noter, c'est que ces festivals, auxquels j'aime beaucoup aller et que j'aime beaucoup, bénéficient souvent d'aides étatiques, d'aides politiques, de sponsoring.
Honnêtement, on est complètement indépendants au niveau de l'organisation.
Personne ne travaille pour la cantonale en tant que professionnel.
C'est important de le montrer, on donne tous de notre temps bénévolement.
Je ne joue pas que ces festivals n'aient pas des buts lucratifs derrière, mais je pense qu'ils ne peuvent pas se passer de professionnels et travailler uniquement avec du bénévolat, comme nous on le fait.
Il n'y a pas la différence de la campagne.
Benoît Gaillard, si on était aux Etats-Unis, on dirait que les ateliers de la Côte Est font des festivals de la cité.
Nous, on organise nous-mêmes.
Il n'y a pas d'argent public, il n'y a pas de pros.
C'est la communauté qui travaille.
Je suis peut-être un tout petit peu piégé par ma comparaison, parce que je prends un festival où il y a des concerts.
Je suppose, sans être un expert, que ça génère aussi un certain nombre de frais et peut-être de besoins professionnels différents.
Effectivement, on manque peut-être de l'événement équivalent parfait.
Je crois qu'au contraire, ces événements fonctionnent avec des bénévoles.
Il y a énormément de lieux, à Lausanne, c'est la ville que je connais, mais je suis certain que ça vaut pour l'ensemble du canton aussi, qui fonctionnent de façon pas forcément subventionnée, parfois simplement sans but lucratif, avec du bénévolat, des lieux culturels, des lieux festifs.
Je ne milite pas pour abattre la différence.
C'est important.
Le canton de Vaud a une sorte de double identité.
Il est un peu urbain, un peu campagnard.
Probablement que ces deux choses se mélangent.
Mais je n'aimerais pas qu'on oppose non plus complètement les deux.
Et je pense qu'on peut relever dans toutes ces manifestations-là le fait qu'unir des gens qui se connaissent, qui ont envie de faire des choses ensemble autour d'un projet non commercial qui ne vise ni à faire de l'argent, ni à gagner de la notoriété, ni à générer du profit, c'est possible.
C'est encore possible.
Il n'y a pas que la richesse du classement de bilan qui nous motive tous.
On n'a pas que cette carotte-là en face de nous.
Parfois, faire quelque chose de communautaire, de sympathique, c'est aussi une motivation.
Olivier Bollomè, est-ce que ce n'est peut-être pas là, cette différence ?
Un petit sens du devoir peut-être un peu plus développé dans la campagne ?
Je ne sais pas, je ne vais pas me prononcer sur le clivage ville-campagne à ce niveau-là.
Je sens de la collectivité, de l'effort pour la communauté.
Dans les jeunesses, il y a vraiment un sens de la collectivité, de l'effort au commun, etc.
Je ne sais pas si c'est pas forcément le cas pour toutes les personnes qui vivent en campagne.
Je ne ferai pas la comparaison avec la ville.
Mais c'est vrai qu'en tout cas, dans les jeunesses, c'est une de nos forces.
C'est comme ça que ça fait notre succès.
C'est comme ça que ça fonctionne bien, effectivement.
Il y a un écrivain que vous connaissez bien, Philippe Meuret, qui disait que c'est terrible parce que les gens ont quitté les campagnes pour aller dans les villes, pour s'émanciper, qu'il n'y a plus de contrôle social.
Et puis on reconstruit, Benoît Gaillard reconstruit ses amis dans les villes, des vides quartiers.
On les a approprié les lieux.
Los Angeardins, c'est un peu ça aussi, d'une autre manière.
Mais encore une fois, c'est qu'on tâtonne un destin.
Le destin citadin, froid, néolibéral, glacé, où il n'y a même plus la carotte.
Il parlait de la carotte.
Il n'y a plus que le bâton.
Quelqu'un parlait de la carotte, c'est une métaphore paysanne.
Et puis on se trompe un peu, on se vide un peu, ça devient violent.
Alors on reprend la campagne et puis on fait un mix.
C'est comme ça que ça se passe.
C'est organique, les travails de solution.
C'est au fond assez suisse.
Finalement, ça marche peut-être pas mal, ce système.
Mais c'est au-delà de suisse.
Vous savez, quand on voit par exemple en France, l'horrible association des pêcheurs et des chasseurs, qui est quasiment d'extrême droite.
Mais si ça fonctionne, c'est qu'il y a quelque chose dans l'âme française qui reste complètement attachée aux campagnes, qui caricature l'achat.
C'est le cas stupide que je cite là.
Tout ça s'inscrit dans le même tâtonnement.
Par contre, j'aimerais poser une question à nos deux.
Allez-y, Christophe Gala.
Au nom de quoi ils font ça et pourquoi ?
Parce qu'on dit le sens du devoir, le plaisir d'être ensemble, mais c'est pourquoi ?
Elle veut répondre, Diana Dreyfus.
Je pense que l'apport personnel est précieux, mais vraiment, incroyablement précieux.
Et puis, le plaisir qu'on a organisé ces fêtes, parce que je veux dire, c'est quand même beaucoup d'investissement personnel.
Je pense que ça fait une année et demie qu'on a tous abandonné nos loisirs, notre vie sociale, pour se consacrer à ça.
Et le fait de l'avoir fait et de le voir, et de voir les gens venir chez nous, faire la fête, découvrir quelque chose, c'est la plus grande motivation qui existe.
Je pense qu'il y a aussi le fait de perpétuer quand même une tradition.
Quand on a une tradition vaudoise, c'est jeunesse, c'est cantonale, c'est Gironde.
Il y a vraiment l'idée de perpétuer la tradition, mais la tradition dans le sens positif, une tradition qui évolue, qui se met au goût du jour, qui s'adapte à l'évolution de la société, comme le font les sociétés de jeunesse.
Il n'y a pas que des agriculteurs dans les sociétés de jeunesse.
Il y a toutes les sociétés, tous les métiers sont représentés, et donc on est vraiment représentatifs de la société vaudoise dans son ensemble.
Et vous-même travaillez dans des villes d'ailleurs.
Benoît Gaillard, qu'est-ce que vous allez faire ce soir ?
Boire des verres ici avec des amis socialistes, ça se fait ça ?
Malheureusement, j'ai déjà quelque chose de prévu en ville, mais j'ai cru comprendre que j'avais le temps de revenir, je prends volontiers un verre à l'issue du débat.
Ce que je constate juste, vous avez cité Philippe Muray tout à l'heure, c'est qu'il parlait aussi de l'homme festif, et il y a bien quelque chose qui relie la ville et la campagne visiblement, c'est qu'on a tous besoin à un moment donné de lâcher, de faire la fête, de dépenser une sorte d'énergie peut-être face à l'oppression du travail, des exigences permanentes, etc.
Et ça je crois que ça nous rassemblera toujours.
Christophe Gaillard, un mot ?
Attends Benoît, là tu te trompes parce qu'il parle d'homme au festivus, Muray, mais pour en dire l'alénation.
C'est-à-dire celui qui court les festivals et qui est dans l'euphorie, qui le prive de lui-même.
Et ici, on retrouve peut-être une euphorie qui est avec soi.
Qui est avec soi.
Merci beaucoup Christophe Gallat, Benoît Gaillard, Diana Dreyfus, Olivier Bollomé, le président de la cantonale, c'est à Colombier-sur-Morges.
Vous pouvez y venir, on vous a peut-être fait envie, en tous les cas c'est très intéressant à voir et assez impressionnant.